N’appauvrissez pas les petits épargnants. Aidez-les au contraire à grandir.

L’épargne des Belges est au cœur des débats politiques. Les pressions sont de plus en plus fortes pour que l’argent gagné durement à la sueur de leur front leur rapporte davantage. Les banques et le monde politique semblent camper fermement sur leurs positions, mais il faut que cela change. Unissons nos forces pour maintenir un secteur bancaire sain et diversifié et pour aider les petits épargnants à consolider leur assise financière. Nous avons besoin d’une politique qui s’attaque aux inégalités croissantes entre les individus et non d’une politique qui les accentue. Les Belges dont l’épargne reste limitée, soit la moitié des ménages, ont aussi le droit de bénéficier de services de qualité et d’avoir une épargne rentable.

Dans le cadre d’une audition, nous partageons aujourd’hui, à la demande de la Commission des Finances, nos idées sur les nouvelles propositions de loi formulées par Groen-Ecolo, Vooruit et le PS en vue d’augmenter la rentabilité de l’épargne. Sans entrer dans les détails de ces propositions, nous pouvons affirmer que toutes suivent la même logique : le taux d’intérêt accordé par les banques à leurs épargnants doit suivre la même courbe ascendante que le taux accordé aux banques par la Banque centrale européenne. Rien de plus logique probablement pour de nombreux épargnants. Pourtant, c’est loin d’être le cas.

Le mécanisme invoqué dans les propositions de loi sur la table est trop peu nuancé. Une poussée des taux d’intérêt n’entraine pas automatiquement une hausse des revenus des banques. Celles-ci réinvestissent 85 % à 90 % des fonds collectés dans l’économie réelle. Citons à titre d’exemple les prêts hypothécaires et les prêts aux entreprises. Elles investissent également d’importantes sommes dans les prêts au gouvernement fédéral, aux régions, aux villes et aux communes de notre pays. Par ailleurs, les engagements pris envers les ménages, les indépendants, les entrepreneurs et les pouvoirs publics ne peuvent pas s’arrêter ni être adaptés du jour au lendemain. Imaginez un peu que les banques doublent soudainement, sans crier gare, un taux hypothécaire fixe, appliqué depuis plusieurs années. Certes, pour les nouveaux crédits, un taux d’intérêt plus élevé est appliqué, mais celui-ci ne représente qu’une part infime du volume total des crédits. Le délai entre la hausse du taux directeur de la BCE et celle des taux d’intérêt octroyés par les banques à leurs épargnants est par conséquent tout à fait logique.

Les petits épargnants au cœur des décisions

Que les choses soient claires ! L’intention des propositions de loi est louable, mais l’approche doit être différente. Aujourd’hui, elles s’attaquent de manière insensée à la structure des coûts des banques, notamment dans le segment des épargnants et des ménages. Une banque spécialisée dans la gestion du patrimoine de même que les banques d’affaires sont beaucoup moins exposées. Ce sont surtout les banques de détail, proches des ménages, qui sont concernées. Or, notre volonté n’est-elle pas d’encourager un service financier de qualité envers les petits ménages, peu fortunés ? Notamment en tant que gouvernement ? Personne ne sort gagnant d’une offre limitée et peu attrayante pour les épargnants. Nous pensons qu’il existe déjà suffisamment d’offres purement numériques proposées par les chatbots. Nous avons besoin de banques accessibles et disponibles. Les petits épargnants qui n’ont d’autres choix que de placer leur argent sur leur compte d’épargne pour pouvoir s’en servir 'au cas où' doivent être protégés et non visés.

La clé d’une meilleure politique belge du taux d’intérêt

Aujourd’hui, nous soumettons notre proposition à la Commission. Elle comporte trois lignes directrices qui non seulement feront bouger les épargnants belges, mais qui inciteront aussi les banques à aller à la rencontre des épargnants lorsque les affaires tourneront bien.

Tout d’abord, permettons aux consommateurs de garder leur numéro de compte à vie, comme leur numéro de GSM. Ils pourraient ainsi le conserver même s’ils changent de banque. Adieu la paperasserie ! Adieu la longue liste des personnes à avertir en cas de changement de compte bancaire. Et pourquoi ne pas même aller un peu plus loin ? Si une banque vous demande d’ouvrir un compte chez eux dans le cadre de la souscription d’un prêt, pourquoi ne pas la laisser en ouvrir un gratuitement en limitant ses fonctionnalités ?

Ensuite, le gouvernement doit instaurer une taxe bancaire directrice et équitable. Aujourd’hui, les banques paient proportionnellement des taxes plus élevées pour les petits épargnants. Pour ceux qui peuvent se permettre de diversifier leur épargne en investissant dans des actions, des obligations ou des fonds, les banques paient beaucoup moins de taxes. Arrêtons cette discrimination et organisons un transfert de taxes : répartissons cette taxe sur les différents produits bancaires. Ajoutons même qu’il faudrait réduire cette taxe dans la mesure où l’épargne est investie dans des prêts locaux et durables. Ainsi, les banques prendraient réellement leurs responsabilités envers le climat.

Enfin, nous plaidons en faveur d’une progressivité des prélèvements bancaires en Belgique. Plus une banque réaliserait des bénéfices, plus la taxe à verser au trésor serait élevée. Les banques feraient profiter plus rapidement les épargnants de leurs bénéfices. N’est-ce pas d’ailleurs l’objet de toute la discussion autour des taux d’intérêt plus élevés ? Offrir aux consommateurs, et notamment aux petits épargnants, un rendement équitable pour leur argent.

Leen Van den Neste, CEO de vdk banque, et Wouter Van Besien, Coordinateur durable et éthique de vdk banque.

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